«Le courage de mon père était admirable»

20. avril 2020



Qui entend le nom Zweifel pense immédiatement aux chips: Paprika, Kezz, Nature, Cractiv, Provençale. Un réflexe entièrement naturel dans notre pays, car les produits de cette entreprise familiale zurichoise font partie des plus connus de Suisse. Et des préférés. En 2019, Zweifel Pomy-Chips a réalisé un chiffre d’affaires record de 241 millions de francs. Tous les secteurs de l’entreprise ont progressé. Et en janvier, elle a en plus été distinguée en remportant le Prix SVC Wirtschaftsraum Zürich.

Christoph Zweifel
Pour Christoph Zweifel (51 ans), qui remplacera Roger Harlacher au poste de CEO en juin, ce sont les meilleures conditions possibles. Cet ingénieur diplômé EPF en sciences alimentaires, fils du cofondateur Hansheinrich Zweifel, a travaillé plusieurs années chez Unilever et Aryzta/Hiestand avant d’endosser la place de directeur du secteur Marketing et ventes en 2015. Sa promotion permet pour la première fois depuis 30 ans à un membre de la famille de reprendre en mains les rênes de la société.

Lisez l’interview de Christoph Zweifel et découvrez comment Zweifel Pomy-Chips gère la crise du coronavirus, comment se développe son secteur bio et quels sont les trois produits que Christoph Zweifel emporterait sur une île lointane.



Monsieur Zweifel, cela ne pourrait en fait pas mieux marcher: chiffre d’affaires record, croissance, une distinction… sauf que voilà la crise du coronavirus. Juste au moment où vous reprenez la barre du navire Zweifel Pomy-Chips. Jusqu’à quel point cela trouble-t-il votre joie pour ce nouveau job?


Christoph Zweifel: En aucun cas je ne laisserai le coronavirus ternir la joie de relever ce beau défi! Notre but général est de protéger nos collaborateurs et de contribuer à stopper ce virus, mais nous avons bien sûr aussi pour but de préserver à long terme la capacité économique de l’entreprise. Il faut pour cela procéder de manière réfléchie et ne pas céder à la panique. Et c’est tous ensemble que nous surmonterons cette période difficile.


Comment faites-vous actuellement pour assurer la production?


La crise du coronavirus nous pose bien sûr de grandes difficultés. Nous avons par chance suffisamment de matières premières en stock pour pouvoir assurer la production à moyen terme. Bien que les chips ne fassent pas partie des denrées alimentaires de base, la demande a augmenté subitement parce que les gens restent davantage à la maison – et ont donc plus souvent envie de chips. Il est donc évidemment important pour nous de pouvoir livrer les quantités demandées. Nous sommes en ce moment en production maximale.


Et la logistique?


Nous avons pris dans le domaine de la logistique toutes les mesures de sécurité possibles pour nos employés. Les tournées de notre équipe du fresh service ont dû être modifiées à cause des transferts de demande. Les livraisons aux points de vente saisonniers, hôtels, restaurants et cafés ont été annulées avec, en contrepartie, de plus grandes quantités pour le commerce de détail.



Comment se portent la motivation et l’engagement de votre personnel en cette période difficile?


Nos collaborateurs et employés composent de manière vraiment exemplaire avec la situation. Nous trouvons que cela ne va absolument pas de soi, alors nous essayons d’être aussi proches que possible de chacune et de chacun de nos employés pour les soutenir pendant cette période difficile et pour les aider en cas d’incertitudes. Nous sommes fondamentalement d’avis que nous ne pouvons réussir qu’ensemble. Chez nous, la cohésion a donc toujours été et reste écrite – et vécue – en majuscules.


Zweifel investit beaucoup dans son site de production suisse. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur la construction et la transformation à Spreitenbach, qui doivent être terminées en mai?


Oui, c’est juste, nous avons investi ces dernières années plus de 40 millions de francs pour le développement et la modernisation de la production, la rénovation des bureaux et la réalisation d’un nouvel espace pour les visiteurs. Nous désirons en effet encore mieux transmettre aux consommatrices et aux consommateurs que les chips sont vraiment notre passion. Ce grand projet représente en outre la pose de la première pierre pour l’avenir à long terme de la production en Suisse.


Il n’y aura cependant – bien sûr – pas de fête d’inauguration…


La construction est maintenant terminée, et c’est vrai que nous avions l’intention de fêter dignement cette étape. La situation actuelle ne le permet malheureusement pas et nous oblige à reporter l’inauguration à une date ultérieure. Quand cette crise sera surmontée, nous pourrons certainement profiter encore plus intensivement de la fête.


Les chips de pomme de terre sont le cœur même de votre compétence, mais vous jouez aussi un rôle sur le marché des snacks et de la petite pâtisserie. Quelle est la part du bio dans les chiffres d’affaires de ces différents secteurs?


La proportion du bio y est encore partout très inférieure à dix pourcents, mais nous élargissons sans cesse nos assortiments.


Et à quoi en est le développement dans le secteur bio? Le marché bio boome, mais seules 8 de vos 40 sortes de chips et de snacks existent aussi en qualité Bio Bourgeon. Vu de l’extérieur ce n’est pas beaucoup.


C’est juste, les denrées alimentaires bio prennent en Suisse de l’importance depuis des années et cette croissance ne s’interrompt pas. Le bio est important et croît chaque année aussi dans la catégorie «pâtisserie et snacks salés»: actuellement plus 8,3 pourcents par rapport à l’année précédente. Nous continuons donc logiquement d’étoffer continuellement notre assortiment dans toutes les catégories afin de pouvoir répondre aux besoins des consommatrices et des consommateurs.


L’approvisionnement en matières premières et leur disponibilité est toujours un facteur très important en bio. Et cela d’autant plus quand, comme Zweifel, on mise sur des matières premières suisses. Ainsi, les rendements des cultures biologiques de pommes de terre peuvent varier beaucoup d’une année à l’autre. Par exemple à cause du mildiou. Est-ce que cela pose de gros problèmes à Zweifel?


Les fluctuations des rendements de l’agriculture biologique sont, comme pour la production conventionnelle, essentiellement dues aux conditions météorologiques. Notre dizaine de producteurs bio – nous sommes approvisionnés par quelque 250 producteurs de pommes de terre au total – ont bien réussi ces dernières années à éviter les pertes dues à des maladies des plantes. Mais c’est bien clair que la garantie de l’approvisionnement en pommes de terre biologiques de production suisse exige de notre part une attention particulière.


Et si on parle de food waste: Que deviennent réellement les déchets d’épluchage?


La station d’épuration de notre entreprise utilise les déchets de pomme de terre pour produire du biogaz qui sert à la chauffer et à produire de l’électricité. Les autres sous-produits alimentaires sont transformés en additifs fourragers ou en biogaz.


Votre site internet mentionne que les produits échus ramenés par les collaborateurs de votre fresh service sont aussi transformés en additifs fourragers.


Exactement. Les produits échus reviennent à Spreitenbach pour y être déballés et broyés. Les sous-produits convenables pour l’alimentation animale sont fournis à l’agriculture, et les autres restes sont transformés en électricité dans une installation de biogaz.


Dans le domaine de la friture, vous avez passé en 2017 de l’huile de tournesol importée à l’huile de colza HOLL suisse. Sauf pour les chips bio. Pourquoi?


Zweifel privilégie depuis toujours des méthodes de production naturelles et durables ainsi qu’une proportion aussi grande que possible de matières premières suisses pour la fabrication de ses chips. Le but du passage à l’huile de colza suisse était d’augmenter encore notre proportion de matières premières suisses. Il y a malheureusement encore trop peu d’huile de colza biologique de production suisse pour couvrir nos besoins, alors les chips bio continuent d’être fabriqués avec de l’huile de tournesol bio.

Votre but reste cependant de passer à l’huile de colza HOLL biologique suisse. C’est juste?


Oui, dès que nous pourrons assurer la quantité de provenance suisse. Cela nécessite cependant encore une planification à long terme et des discussions avec les partenaires de cette filière.


Pour le sel, vous êtes aussi passé du sel marin d’origine au sel des Alpes suisses. Alors qu’en est-il pour les épices bio que vous importez?


Le condiment le plus utilisé est le mélange au paprika original de Zweifel. Tous nos condiments bio sont achetés à un fabricant suisse, et toutes les matières premières de nos épices bio sont de qualité Bio Bourgeon. Nous essayons, ici aussi, d’en avoir qui sont produites en Suisse, mais ce n’est pas toujours possible, car elles ne sont ni en quantités suffisantes ni sous la forme dont nous avons besoin, et cela nous oblige à importer une partie des épices bio que nous utilisons.



Peu de gens savent que Zweifel est aussi active sur les marchés étrangers. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?


Sur le plan international, nous nous sommes concentrés ces dernières années sur l’implantation et le développement régulier de la marque Zweifel sur les marchés de trois pays voisins: l’Allemagne, la France et l’Autriche. Nous vendons aussi nos produits au Koweït et en Arabie Saoudite. Notre orientation stratégique continue de viser de nouveaux consommateurs et consommatrices avec des chips et des snacks Zweifel novateurs et tendance, et cela aussi bien sur nos marchés actuels que sur de nouvelles zones bien choisies.


Quelle est d’une manière tout à fait générale votre vision pour l’avenir de Zweifel Pomy-Chips?


Je trouve personnellement qu’il est important de continuer l’histoire à succès de notre entreprise pendant la prochaine décennie jusqu’à 2030. Nous poursuivons pour cela des objectifs qualitatifs et quantitatifs ambitieux que je ne peux cependant pas vous révéler en détail. Ce qui est sûr, c’est que nous continuerons d’investir dans le site de production de Spreitenbach.





Et si vous remettez cela en relation avec le passé? Votre père a lancé la marque Zweifel en 1958. Comment avez-vous vécu cette entreprise quand vous étiez enfant, dans les années septante et huitante, et quelle empreinte vous a-t-elle laissée?


J’ai bien sûr entendu régulièrement ce que mon père disait à table, tout ce qui allait et qui n’allait pas, et ça m’a certainement marqué durablement. Rétrospectivement, le courage et l’esprit pionnier qui animaient mon père à cette époque étaient admirables. Ce sont des vertus que je veux absolument préserver et entretenir dans notre culture d’entreprise.


En fait, pourquoi n’avez-vous pas directement travaillé dans l’entreprise familiale après les études en sciences et technologies alimentaires que vous avez suivies à l’EPFZ?


Entrer dans l’entreprise ne m’attirait pas à ce moment. Je voulais amasser de l’expérience auprès d’une multinationale active dans le monde entier. J’ai été engagé comme Junior Account Manager par Unilever, pour qui j’ai ensuite exercé plusieurs fonctions pendant une dizaine d’années. Aussi au niveau de la direction.


Il va sans doute de soi qu’un digne membre de la dynastie Zweifel se doit de manger des chips tous les jours…


Bien sûr – que ce soit professionnellement, par exemple pour tester des nouveautés, ou simplement parce que j’adore ça.



Admettons que vous deviez aller sur une île lointaine et que vous ne puissiez emporter que trois produits Zweifel, lesquels prendriez-vous?


Sur une île lointaine, je préférerais me faire envoyer toutes nos nouveautés par notre boutique en ligne… mais si je devais me déterminer, ce seraient l’Original Paprika, le Kezz Barbecue et le Vaya Bean Snack.

www.zweifel.ch

Cette interview a été menée par écrit à cause de la crise du coronavirus.

Interview: René Schulte, Bio Suisse/Bioaktuell; images: Zweifel Pomy-Chips AG

Partager