«Les herbes aromatiques constituent le moyen le plus simple d’améliorer un plat»

06. septembre 2023

Michaela Frank est la cheffe de cuisine du restaurant branché Rank à Zurich. Elle et le plus grand producteur d’herbes aromatiques bio de Suisse partagent la même passion pour la qualité des herbes aromatiques. Aux yeux de Michaela Frank, elles représentent bien plus qu’une simple garniture ou décoration: c’est un élément incontournable.

Ueli Mäder (à gauche) et Michaela Frank
Michaela Frank mise sur les herbes aromatiques bio de Ueli Mäder. D’ailleurs, ils se connaissent depuis longtemps.
(Claudia Link)

La cheffe étoilée, Michaela Frank, va à l’essentiel en cuisine avec ces petites herbes. «Les herbes aromatiques constituent le moyen le plus simple d’améliorer un plat.» Elle est en visite chez Jael et Ueli Mäder de l’entreprise du même nom, productrice d’herbes aromatiques bio à Boppelsen dans le canton de Zurich. 

L’ambiance est chaleureuse, car après tout, Michaela Frank et la famille Mäder se connaissent depuis longtemps: notre cuisinière a grandi dans le coin et cuisinait déjà dans un camp de jeunes auquel Jael a participé. Et encore aujourd’hui, elle vit à «portée de nez»: quand la ciboulette est en pleine floraison dans les champs des Mäder, raconte-t-elle, tout le monde dans la région en profite.

Ueli Mäder, le hippie entouré de ses propres herbes aromatiques

Ueli Mäder rit de cette description et nous décrit son parcours. Avant de découvrir sa passion pour les herbes aromatiques, il était en fait chauffeur dans une ferme maraîchère. Sur un petit bout de terrain loué par son frère, il avait déjà tenté pour la première fois dans les années 1970 de cultiver des plantes aromatiques. Et peu après, il vendait ses récoltes sur un stand de marché.

«À l’époque, j’avais une 2 CV et j’avais vraiment l’air d’un hippie.» Avec son idée de vendre des herbes aromatiques fraîches, il est allé démarcher les plus grands détaillants orange. Mais à l’époque, ils ne voyaient pas de débouché. Lorsque Ueli Mäder parle, il est agréable de l’écouter. Cela vient peut-être du fait qu’il a enseigné pendant 30 ans le catéchisme dans une «église excentrique», comme il l’appelle.

Il a commencé en solo-entrepreneur

Ueli Mäder ne lâche pas les herbes aromatiques. D’une PME à deux employés, on est passé à Mäder Kräuter SA, une entreprise qui compte aujourd’hui environ 150 collaborateurs dans toute la Suisse. Depuis quelques mois, sa fille, Jael dirige le service des ventes. Chaque jour, ils livrent jusqu’à 80’000 portions d’herbes aromatiques, y compris à Migros et à Coop. Fait intéressant: sans aucun contrat fixe, les commandes ne cessent pourtant d’affluer au quotidien. «Au départ, j’ai semé une graine. Elle a poussé jusqu’à devenir un arbre que je ne peux plus gérer tout seul», explique Ueli Mäder.

Depuis 2000, son entreprise produit avec le label Bourgeon Bio. Il applique également ses convictions par ailleurs: il récupère dans d’immenses réservoirs l’eau qui goutte de ses serres et s’en sert pour arroser ses herbes. Il a installé sur le toit de son exploitation des panneaux photovoltaïques qui produisent tellement d’électricité que les collaborateurs peuvent s’en servir pour recharger gratuitement leurs véhicules électriques.

Michaela Frank (à gauche) accompagne Ueli Mäder et sa fille Jael (au centre) à travers un champ d’herbes.
Michaela Frank (à gauche) accompagne Ueli Mäder et sa fille Jael (au centre) à travers un champ d’herbes. Jael Mäder dirige le service des ventes de Mäder Kräuter SA.
(Claudia Lang)

Au départ, j’ai semé une graine. Elle a poussé jusqu’à devenir un arbre que je ne peux plus gérer tout seul
Ueli Mäder, PRODUCTEUR D’HERBES AROMATIQUES

Michaela Frank demande à Ueli Mäder s’il faut appliquer une certaine rotation des cultures sur les champs en ce qui concerne les herbes aromatiques. Ueli Mäder lui montre de très longues listes sur lesquelles est répertorié chaque mètre carré de la région et également du Tessin. «Lorsqu’on cultive quelque part des ombellifères, comme de l’aneth ou de la coriandre, l’année d’après, il faut changer.»

Michaela Frank avec des herbes aromatiques
Michaela Frank a réussi à se faire un nom en tant que cheffe dans le restaurant zurichois «Rank».
(Claudia Link)

Les Mäder plantent et récoltent des herbes aromatiques, tandis que Michaela Frank les met dans nos assiettes. Bien qu’ils soient, chacune des parties, au début et à la fin de la chaîne de production de valeur, cela ne les empêche pas d’échanger activement par cette matinée ensoleillée. Ueli Mäder raconte que cette année, en raison des précipitations répétées, il n’est pas facile de lutter contre les mauvaises herbes.

Il raconte également comment il aime faire griller les truites et les servir avec des herbes aromatiques de telle sorte qu’elles sont à peine visibles sous les herbes. Michaela, explique à son tour que l’estragon est l’une de ses herbes préférées et est un élément incontournable en cuisine, par exemple accompagné de tomates dans l’un de ses fameux toasts.

On fera bientôt du pain

Dans la serre, aux côtés des herbes aromatiques, dont on récolte chaque semaine au maximum deux à trois bouquets, pousse de la ciboule piquante de Chine. «Elle a beau être délicieuse, mais on ne le sent pas après l’avoir mangée.» Les Mäder évoquent également leur projet de pain exceptionnel qui est en cours: dans le jardin familial de Jael, ils ont planté des céréales qui sont maintenant en phase de séchage. Ils vont ensuite les battre, puis les moudre pour en faire de la farine et finalement du pain réalisé à la main de A à Z. «J’ai toujours voulu faire ça avec les enfants quand ils étaient encore petits», explique ce père de cinq enfants.

Le sillon de persil divise la Suisse

Michael Frank continue d’arracher quelques brins, de les sentir puis de les mâcher. Pendant ce temps, Ueli Mäder raconte des anecdotes: il existerait entre la Suisse alémanique et le Tessin un sillon de persil: au nord, 75 % du persil vendu est frisé et seulement 25 % est plat, alors qu’au sud c’est l’inverse. Il nous confie également que le plus grand acheteur de livèche est le producteur des sauces à salade Brunos.

Michaela Frank connaît un dicton très utilisé en cuisine et dont Ueli Mäder ne peut que se réjouir: «Avec du cerfeuil, une deuxième étoile est assurée.» En effet, les cuisiniers auraient tendance à donner du peps à leurs plats grâce à cette herbe aromatique. Pas vraiment pour son goût raffiné, mais plutôt pour son effet décoratif incroyable. Pour résumer cette rencontre, il faut donc retenir que dans les herbes aromatiques se cachent bien plus de secrets qu’on ne le pense.

TEXTE: DANIEL BÖNIGER, PHOTOS: CLAUDIA LINK, VERSION LÉGÈREMENT MODIFIÉE, ORIGINALE ET PREMIÈRE PUBLICATION CHEZ GAULT&MILLAU

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