Melanie Ackermann, cheffe d’équipe chez Varistor AG: «La tendance va en direction des doubles certifications.»

03. juillet 2018

L’estime pour l’engagement des paysannes et des paysans des pays d’origine des produits importés est une chose très importante pour Melanie Ackermann. Son quotidien de cheffe d’équipe Fruits secs et noix pour l’entreprise d'approvisionnement Varistor AG à Neuenhof près de Baden AG est diversifié: Alors que par exemple une discussion avec un client suisse qui a besoin de produits d’Ouzbékistan est au programme de la matinée, elle parlera l’après-midi avec un partenaire turc de longue date. «Je peux ainsi être en contact tous les jours avec ce qui me tient à cœur, c.-à-d. les denrées alimentaires, même si je ne n’ai pas toujours les produits en main», dit-elle. Melanie Ackermann explique dans l’interview, en prenant des exemples de Turquie, du Ghana et d’Italie, quels sont les défis que Varistor AG doit relever et pourquoi la tendance continue de se diriger vers le bio et le fair-trade.


Quel rôle joue Varistor AG dans la filière de création de valeur?

Nous nous considérons comme un partenaire d’approvisionnement pour l’industrie chimique, l’industrie alimentaire et le commerce de détail. Nos produits du secteur food se conservent longtemps parce qu’ils sont soit séchés soit sous forme de purées, de concentrés ou de surgelés. Nous les apportons du producteur du pays d’origine aux clients suisses et nous sommes donc un prestataire de services dans les domaines de la logistique et de l’assurance-qualité aussi bien pour les clients que pour les producteurs. Nos clients sont des entreprises de transformation des denrées alimentaires: Cela va des laiteries aux biscuiteries en passant par le conditionnement, mais il y aussi des fabricants de barres d’énergie ou de muslis. Nous ne sommes en réalité rien d’autre que le prolongement des bras de nos producteurs des pays d’origine. Nous ne vendons pas de produits Varistor. Nous vendons les produits de nos producteurs d’Afrique, d’Asie, de l’Amérique centrale et du Sud ainsi que du sud de l’Europe.


Quelles prestations Varistor AG offre-t-elle à ses partenaires sur place?

Nous travaillons directement avec les producteurs des pays d’origine, donc ils sont en général pour nous non plus seulement des producteurs mais aussi des partenaires. Par exemple, en Turquie, ISIK est pour nous un partenaire important à qui nous commandons de gros volumes de produits. Il peut fournir une vaste palette de produits turcs de qualité Bourgeon, p. ex. des abricots, des raisins secs, des noisettes et des mûres. Nous travaillons ensemble depuis déjà plus de vingt ans. Nous le soutenons pour produire selon le Cahier des charges de Bio Suisse. Ce producteur était déjà dans le bio et le passage au Bourgeon n’a pas été trop difficile. Nous lançons des projets de ce genre quand nous voyons qu’il y a en Suisse un besoin pour des produits Bourgeon et que nous avons un partenaire valable qui est prêt à fournir cet effort supplémentaire en plus de la certification bio normale.


Quel soutien Varistor AG a-t-elle apporté concrètement dans ce projet en Turquie?

Nous entretenons un échange très étroit de savoir-faire. Nous avons expliqué ce qu’impliquent la production et la transformation selon le Cahier des charges de Bio Suisse. Nous avons aussi soutenu financièrement ce partenaire en accordant par exemple une avance pour les frais de certification ou en garantissant la prise en charge de certaines quantités pour que le producteur sache que son investissement va être rentable.


Vous participez au développement des produits. Comment est-ce que cela se passe?

C’est très variable: Cela dépend d’où vient l’initiative. Des fois c’est un client qui demande si nous avons un certain produit en qualité Bourgeon. Et des fois c’est un producteur qui vient vers nous et nous le propose non seulement en bio mais en qualité Bourgeon. Ou alors nous identifions un besoin sur le marché et nous disons, okay, nous devons lancer un projet. Nous réfléchissons alors à quels partenaires pourraient entrer en ligne de compte pour cela. Et si c’est nécessaire nous cherchons un nouveau partenaire comme complément pour pouvoir réaliser un projet. Varistor travaille en tout avec une soixantaine de fournisseurs du monde entier. Quelque cinquante pourcents des produits sont bio, environ 15 pourcents sont Fairtrade, et le reste est conventionnel. Nos producteurs peuvent en général proposer toutes les qualités. Huitante pourcents de nos producteurs bio fournissent aussi des produits dont la production respecte le Cahier des charges de Bio Suisse. Quand nous démarrons la collaboration avec un nouveau partenaire, nous regardons qu’il fasse si possible déjà des produits bio.


À quoi en est la situation concernant les produits Fairtrade?

Varistor a démarré son engagement Fairtrade il y a environ dix ans. Nous nous étions demandé sur la base des besoins du marché quels produits nous voulions proposer en qualité Fairtrade. En Turquie, nous avons lancé en 2014 avec notre partenaire ISIK le «Happy Hazelnut Project», dont les buts principaux sont la prévention du travail des enfants, une amélioration générale des conditions de vie des travailleurs nomades et de leurs familles, une rémunération équitable, la garantie de la traçabilité des noisettes jusqu’aux producteurs ainsi que l’encouragement de pratiques agricoles durables. Nous pouvons garantir que ces noisettes arrivent en Suisse à la suite d’un processus socialement correct.


Dans quelle direction la tendance évolue-t-elle?

Le Fairtrade progresse. Il y a aussi une forte croissance de la double certification Bio et Fairtrade tandis que les produits conventionnels sont plutôt en régression et que les produits bio classiques, c.-à-d. sans label Fairtrade, restent à peu près au même niveau. La proportion de produits bio a quand même tendance à augmenter à cause du phénomène de la double certification. Et on le comprend: aujourd’hui, les consommatrices et les consommateurs veulent savoir d’où viennent leurs marchandises et ce qu’ils peuvent influencer positivement dans le pays d’origine en payant les produits plus cher. La combinaison des aspects sociaux et de l’écologie est une tendance que nous constatons et qui se renforce constamment.


Quelle est l’importance du bio pour l’image de Varistor AG?

Très grande: Varistor a grandi surtout grâce au bio car c’est un aspect que l’entreprise a intégré très tôt. Nous constatons aujourd’hui que des clients à qui nous fournissons des marchandises bio ne savent pas que nous pouvons aussi proposer des produits conventionnels. La plupart des clients pensent à nous en tant que fournisseur bio. Le bio est pour nous l’aspect principal. Varistor a été créée il y a une trentaine d’année comme succursale nationale de la société Worlée NaturProdukte GmbH de Hambourg. Le directeur d’alors, Urs Iselin, s’est forgé une bonne réputation comme représentant et a ensuite commencé à saisir l’importance de la pensée bio. Il a senti très tôt où le chemin devait mener. Et cela s’est reproduit il y a dix ans avec le Fairtrade, la tendance qui a suivi.


Est-ce que Varistor AG opère seulement en Suisse?

Non, nous commençons à regarder un peu plus loin, mais sans s’éloigner beaucoup. Nous sommes convaincus que nos produits sont excellents et qu’on pourrait aussi en vendre en dehors de Suisse, par exemple en France, en Italie, dans les pays du Bénélux, en fait en général dans l’Europe proche.


Comment est-ce que le secteur bio va évoluer chez Varistor AG?

Nous aimerions réaliser quelque chose en bio et en Fairtrade pour chaque nouveau produit qui est en relation avec un projet ou un partenaire. Nous voyons et ressentons les besoins du marché. Au Ghana, par exemple, nous travaillons avec un très bon transformateur qui produit des mangues séchées Fairtrade. Cela fait plusieurs années que nous développons la production avec lui. Grâce à notre soutien, il pourra depuis janvier 2019 proposer l’ensemble de ses produits en qualité bio et selon les normes du Fairtrade. La prochaine étape est la certification Bourgeon. Ce projet signifie pour lui de gros investissements: Il a construit une nouvelle unité de production et mis en place de nouvelles plantations d’ananas et de mangues qui pourront être reconverties au Cahier des charges de Bio Suisse. Les produits seront alors transformés et séchés de manière complètement séparée.


Quels sont les défis qui se présentent à Varistor AG?

Pour nous, le défi qui se présente parce que nous mettons des produits bio sur le marché, est que nous voulons préserver et vendre la haute plus-value du bio, ce qui nous oblige à la faire connaître aux consommatrices et aux consommateurs. Et cela de manière à ce qu’ils sachent quelle est la différence entre un produit bio et un produit conventionnel. Car nous ne vivons pas sur une planète bio! Nous subissons aussi de très fortes influences qui placent continuellement le bio devant de nouveaux défis, comme par exemple les résidus de pesticides et de métaux lourds dans les sols. On ne peut pas s’isoler pour produire. Et les valeurs limites sont placées extrêmement bas puisque les seuils de détection s’abaissent continuellement.


Quels souhaits voudriez-vous transmettre à Bio Suisse?

Nous sommes fondamentalement d’accord avec Bio Suisse. Ce que nous exigeons d’elle est une véritable rigueur dans la prise de décision. Certaines décisions sont en effet parfois difficilement compréhensibles pour nous. Bio Suisse doit être consciente que la collaboration avec les producteurs des pays d’origine devrait elle aussi être conçue pour être durable. Il s’agit en effet de partenaires que nous avons pu convaincre de produire une qualité conforme au Bourgeon et qui le font maintenant avec une grande conviction et beaucoup d’engagement. Ils se donnent de la peine pour que leurs marchandises correspondent aux exigences. Exactement comme les paysannes et paysans suisses, ils fournissent des efforts considérables dans leurs pays. Nous aimerions donc parfois que Bio Suisse fasse preuve de plus d’engagement à leur égard.


Pourriez-vous expliquer cela avec un exemple?

Nous sommes confrontés chaque année au défi de savoir quelle quantité de pommes de qualité Bourgeon nous pourrons réellement importer d’Italie en Suisse. Car cela dépend de la production suisse de pommes Bourgeon. Dans notre cas il s’agit de pommes séchées conditionnées sous forme de dés, de copeaux ou de farine qui sont utilisés dans la transformation et qui ne peuvent pas être fabriqués en Suisse dans les mêmes quantités et qualités. Nous avons besoin de la promesse et de la confirmation que le travail que nos partenaires ont réalisé dans leurs pays pour atteindre la qualité Bourgeon est justifié et durablement soutenu. Cet engagement des paysannes et des paysans dans les pays étrangers est équivalent à celui des paysannes et des paysans suisses. La passion et l’engagement sont les mêmes, là il n’y a pas de différences. Ces paysannes et paysans ne doivent pas être laissés pour compte simplement parce qu’ils ne vivent pas en Suisse.


Que signifient les produits bio pour vous personnellement?

Je ne peux pas prétendre que mon ménage soit entièrement bio, mais le bio est très important pour moi. Nous sommes membres d’une super coopérative laitière qui transforme du lait Bourgeon, la Basimilch de Dietikon. Elle a été créée parce que la quantité de lait Bio Bourgeon était trop faible pour être collectée séparément du lait conventionnel. L’idée a donc germé de ne plus livrer le lait sur le marché conventionnel mais de le transformer à la ferme avec l’aide de la coopérative. Nous avons donc un abonnement pour les produits laitiers bio, et en plus nous nous engageons dans le travail des fermes bio en tant que famille.


Un grand merci pour cet entretien!


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