Brigitte Herde, cuisinière végane: «J’emprunte de nouvelles voies»

08. juin 2017

Végane ne veut pas seulement dire «V-viande», «V-saucisse» et «V-lait». Brigitte Herde, qui vit depuis deux ans et demi un véganisme cohérent, cuisine pour le restaurant végétarien-végane Limalimón à Bremgarten AG. Pour elle, une alimentation végane saine et durable rime forcément avec fraîcheur, régionalité et saisonnalité.


Madame Herde, quel est pour vous le rôle des ersatz véganes pour la viande, le fromage et le lait dans la cuisine végane?

Je ne suis personnellement pas du tout fan de ce genre de produits. Je vois cependant qu’ils sont d’une grande aide pour beaucoup de gens qui trouvent qu’il est difficile de cuisiner végane. L’engouement pour les produits de convenience vient avant tout du manque de temps. On peut bien consommer ce genre de produits une fois par semaine, mais pas plus, car je trouve que cela engendre trop de déchets. Et ces produits sont souvent très fortement transformés et ils contiennent trop de sel.

Depuis quand êtes-vous végane? Est-ce que vous élargissez le véganisme à d’autres domaines comme l’habillement ou les cosmétiques?

Je vis en végane depuis deux ans et demi de manière cohérente. Avant cela je faisais des exceptions pour faire plaisir aux amis et à la parenté, p. ex. quand ils apportaient un gâteau, mais maintenant je peux dire que je suis vraiment végane.


Cela va-t-il vraiment plus loin que l’alimentation?

Oui, cela signifie p. ex. aussi que je ne veux plus de couette remplie de plumes de duvet. Je ne jette cependant pas les produits non véganes que je possède depuis la période d’avant, je les utilise jusqu’à ce qu’ils ne soient plus utilisables puis je les remplace par des alternatives véganes.


Pourquoi avez-vous choisi un mode de vie végane?

J’aimerais simplement que personne ne doive mourir pour je puisse me nourrir. Je suis consciente que, contrairement à d’autres, je peux me permettre le luxe de choisir mon mode de vie. Et vu que j’en ai la possibilité, je me nourris de cette manière.


Vous êtes aussi cuisinière pour le restaurant végétarien-végane Limalimón. Quels principes suivez-vous lors de la confection des repas véganes?

Le Limalimón fonctionne comme les restaurants végétariens-véganes Tibits. Les clients se composent eux-mêmes leur assiette au buffet. À la maison je cuisine exclusivement végane, mais mon mari est omnivore, c.-à-d. qu’il mange de tout, et mes enfants sont végétariens. Je ne pratique pas la cuisine classique centrée sur un morceau de viande ou d’ersatz de viande.


Et qu’est-ce que vous faites à la place?

Je cuisine beaucoup de potées et je cherche des combinaisons inédites. Les légumes cuits à la vapeur sont pour moi un cauchemar. De nombreux légumes qu’on connaît nature à la vapeur peuvent être rôtis et braisés à la poêle ou déposés sur le gril, et ça donne des dimensions gustatives totalement nouvelles.


Par exemple?

Les asperges et les choux de Bruxelles coupés en quatre deviennent ainsi très intéressants. J’emprunte simplement de nouvelles voies, et j’aimerais montrer qu’on peut aimer expérimenter.


À quoi ressemble une journée avec une nourriture végane idéale permettant d’absorber tous les éléments nutritifs nécessaires?

Quand on mange végane, il faut se prévoir d’assez grandes quantités, c.-à-d. par exemple deux fois 600 grammes de légumes par jour! Je fais en ce moment des smoothies avec des orties et des noix qui me permettent de manger trois portions de fruits et de légumes dès le petit déjeuner. À midi je travaille avec beaucoup de légumineuses, de riz et de pommes de terre.


Et le soir?

Là je mange très souvent de la soupe car cela permet à la fois de manger de grandes quantités de légumes en un seul repas et d’éviter de gaspiller des denrées alimentaires. Tout ce qu’il faut utiliser en urgence peut aller dans la soupe, mais les restes peuvent aussi tout simplement être réchauffés normalement. Pour obtenir des soupes riches en nutriments et crémeuses j’utilise des pois chiches, des lentilles et des pommes de terre ou des croûtons de vieux pain.


Et comment couvrez-vous vos besoins en vitamine B12?

Au début avec un spray de B12, puis j’ai passé au dentifrice à la B12 parce que c’est très pratique. Une étude de l’institut pour une alimentation alternative et durable de Gießen (DE) a d’ailleurs prouvé qu’ils fonctionnent bien.


Est-ce tous les véganes devraient nécessairement prendre des compléments de vitamine B12?

Absolument, c’est pour moi obligatoire et clair comme de l’eau de roche. Tous les autres nutriments peuvent être absorbés en suffisance via la nourriture.


Quelle importance la provenance des aliments a-t-elle pour vous?

La régionalité est très importante pour moi. Même si je regarde la provenance des produits, nous vivons dans un monde globalisé et il n’y a rien de blâmable à utiliser de temps en temps quelque chose d’outre-mer. Par exemple, l’ananas est pour moi quelque chose de merveilleux. Simplement j’utilise rarement des aliments de ce genre, moins d’une fois par semaine. Quand j’achète des produits qui viennent de pays lointains, j’essaie de comprendre le mieux possible d’où ça vient et comment ça a été produit.


Quelle importance la saisonnalité a-t-elle pour vous?

Très grande. On peut aujourd’hui apporter quelque chose à beaucoup de gens en pratiquant une cuisine de saison. Ils ont besoin d’idées pour leur propre cuisine. Il est tout à fait clair que je peux avoir de l’influence en diffusant mes recettes sur Facebook. Ma philosophie est de répandre des recettes véganes saisonnières tellement intéressantes que mêmes les omnivores et les végétariens auront envie de les essayer.


Quelle importance l’agriculture biologique a-t-elle pour vous?

Je trouve que l’agriculture biologique est très importante, et j’arrive maintenant à trouver presque tout en bio. Ma seule restriction d’achat est celle-ci: si je trouve le même produit en conventionnel pour ainsi dire chez le voisin, je l’achète là-bas.


Quelles relations avez-vous avec les producteurs locaux?

Je parle avec eux de leur manière de produire et je profite de toutes les occasions pour leur dire qu’ils peuvent orienter leur production en direction du bio et même s’y reconvertir. Le paysan à qui j’achetais la viande avant d’être végane est lui aussi maintenant passé en bio.


Et comment une alimentation végane est-elle reliée à la durabilité?

Globalement, la production animale agricole est plus néfaste pour le climat que les émissions provenant du trafic. Tout le monde connaît les conséquences négatives du trafic, mais très rares sont ceux qui en sont conscients à propos de la consommation d’animaux d’élevage. Nous sommes redevables à nos sols et aux animaux de ne pas continuer de produire et de consommer nos denrées alimentaires comme maintenant. Il n’y a pas assez de ressources pour cela. Chaque Suisse et Suissesse mange 52 kilos de viande par année. La Société Suisse de Nutrition recommande de (ne) manger de la viande (que) trois fois par semaine. Nous aurons déjà fait un immense progrès quand tout le monde respectera cette recommandation. On ne doit pas obligatoirement vivre de manière strictement végane pour changer quelque chose.


Vous avez publié (en allemand) en 2016 le livre de recettes Herd&Herde. Pouvez-vous nous expliquer comment ce livre aide à découvrir la cuisine végane?

On y trouve des recettes simples et diversifiées sans ersatz de viande et avec très peu de soja. Tous les ingrédients viennent des environs de là où vous habitez.



Brigitte Herde aime le contact humain et elle se réjouit de chaque question et de toutes les réactions.
https://www.herdundherde.ch
https://www.facebook.com/herdundherde


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