« Le colza est une culture enthousiasmante, car pleine de défis »

10. juillet 2020


Âgé de 55 ans, Stéphane Challandes s’est reconverti à l’agriculture biologique en 2018. Exploitant en famille un domaine d’une soixantaine d’hectares dans le Val-de-Ruz (NE), il a abandonné la production laitière et se consacre désormais, outre l’engraissement de veaux sous la mère, à la culture de céréales ainsi qu’à certaines spéciales comme le quinoa, les lentilles, les pois chiches et le colza, qui tient une place particulière dans son cœur et sa stratégie.

Situé à 800 mètres d’altitude, le Val-de-Ruz n’est a priori pas l’endroit où l’on s’attend à trouver des champs de colza… Pourquoi en cultivez-vous ?

D’abord par tradition. Le Val-de-Ruz, grenier du canton de Neuchâtel, est une région traditionnellement propice aux grandes cultures, et nous y avons toujours cultivé du colza. Nos rendements n’ont d’ailleurs rien à envier à ceux du bord du lac. Et puis le colza joue un rôle agronomique important, grâce à sa racine pivotante qui structure le sol. Enfin c’est une culture précieuse en bio, car elle permet une bonne alternance avec les céréales!

Pourtant on entend souvent dire que le colza est l’une des plantes les plus difficiles à cultiver en agriculture biologique. Pourquoi ?

Le colza se sème en août et se récolte en juillet. Durant cette longue période, il s’expose à de nombreux ravageurs, quelle que soit la saison : méligèthes, charançons, altises et limaces se liguent chaque année pour mettre à sac la culture. En bio, notre seul moyen d’action consiste à pulvériser de la poudre de roche, qui recouvre les feuilles d’une pellicule blanchâtre et empêche ainsi les insectes de la reconnaître. Ce simple leurre permet de limiter les dégâts, mais nos rendements – environ 2,5 tonnes à l’hectare – demeurent sensiblement inférieurs à ceux des producteurs conventionnels.

Qu’est-ce qui vous a incité à passer au bio ?

Après des années à produire du lait et des cultures pour les filières industrielles, j’avais envie de me rapprocher du consommateur, de répondre à ses demandes. Le bio me permet d’accéder à ce besoin que j’avais. Mon objectif est à terme d’installer ma propre presse à huile pour transformer la totalité de mon colza au domaine et vendre en direct mon huile en direct.

Quand on parle d’huile alimentaire, on pense en priorité à l’olive, puis au tournesol, mais pas au colza. Y a-t-il vraiment là un marché ?

Oui, et il progresse ! Malheureusement, l’huile de colza pâtit encore d’une vielle réputation concernant son goût herbacé et sa mauvaise réaction à la cuisson. Mais depuis quinze ans, nous avons à notre disposition des variétés de colza dites HOLL, qui signifie «riche en acide oléique, pauvre en acide linolénique ». L’huile de colza HOLL conserve ses qualités nutritionnelles, même à haute température, et ses acides gras ne sont pas détruits. Elle comporte moins d’acides gras saturés, mauvais pour la santé, que l’huile d’olive, et davantage d’oméga 3. Le colza possède des valeurs nutritives tout aussi intéressantes que l’olive. Et produit localement, sans recours aux pesticides de synthèse, son bilan environnemental est bien meilleur.

Où valorisez-vous votre production ?

Je fournis en huile de colza – pressée pour l’instant chez un collègue neuchâtelois - une vingtaine de revendeurs (épiceries bio, commerces en vrac, etc.) dans toute la Suisse romande. Pour commercialiser mes bag-in-box et bouteilles, j’ai d’ailleurs du acquérir de nouvelles compétences commerciales ! Au final, tout comme l’aspect agronomique de la culture de colza, le contact avec le consommateur me procure une grande satisfaction ! Propos recueillis par Claire Muller
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