Garder confiance, même dans les périodes difficiles

10. mars 2020


Stefan Krähenbühl dirige une ferme imposante. Ses pâturages et ses champs s’étendent le long du lac de Morat, de Greng, dans le canton de Fribourg, à la périphérie sud de Morat. Sous le soleil de mars, 40 vaches et un taureau arrachent tranquillement, de la prairie, des touffes d’herbe et des plantes aromatiques.


En contrebas, les chevaux savourent l’air printanier. Des pommes de terre viennent d’être plantées dans les champs en direction de la ville et bientôt les feuilles des patates douces vont sortir de terre. Depuis le 1er janvier, dans cette ferme du lac de Morat (hofammurtensee.ch) tout pousse en qualité Bourgeon Bio.

Il y a deux ans, la famille Krähenbühl a converti son exploitation agricole au Cahier des Charges de Bio Suisse. Cette période de reconversion est achevée et la ferme est désormais une exploitation 100 % Bourgeon. Pour ce nouvel agriculteur bio, cela aura été une période vraiment difficile: il a dû utiliser des aliments souvent plus coûteux, tels que des fourrages bio, et accepter une baisse des rendements, mais ne pouvait vendre son lait, par exemple, qu’à un prix conventionnel peu élevé. Les produits de conversion sont très difficiles à vendre. Après les deux années de reconversion, cette période difficile pour les Krähenbühls était terminée – c’est du moins ce qu’ils pensaient l’an dernier.

Mais comme de nombreux agriculteurs suisses se sont convertis à l’agriculture bio ces dernières années, ce qui est en soi très réjouissant, le volume de lait bio a augmenté plus vite que la demande. C’est pourquoi des listes d’attente ont été mises en place pour les exploitations qui ont achevé leur reconversion et qui pourraient déjà fournir du lait bio. Et ce, pour stabiliser globalement le marché, alors que parallèlement, la branche souhaite booster les ventes. Les Krähenbühls figurent également sur l’une de ces listes.

«Je croyais que j’allais pouvoir maintenant dormir un peu plus longtemps», précise Stefan Krähenbühl. Il était prévu qu’un camion irait chercher son lait bio une fois par jour directement à la ferme et qu’il n’aurait plus à se rendre à la fromagerie à six heures et quart, le matin. Et bien sûr, il aurait obtenu un bien meilleur prix pour son lait bio que dans l’ancienne fromagerie, où son lait est toujours transformé en fromage conventionnel. Mais il fallait bien s’attendre de telles listes d’attente, selon cet agriculteur diplômé spécialiste en agronomie.

En 2018, Coop a célébré les 25 ans de Naturaplan. Les nombreuses activités de marketing ont entraîné une forte demande en produits Bourgeon Bio. Mais cet effet positif a disparu. Coop fait encore la promotion de Naturaplan, mais de manière moins intense. Il a donc élaboré des stratégies de substitution. Malgré la liste d’attente, il a pu placer un tiers de son lait dans la filière du lait bio: un fromager de la région recherchait du lait bio produit sans ensilage, car son activité d’exportation est florissante. En outre, la famille Krähenbühl s’efforce de plus en plus de commercialiser son lait directement dans la restauration et les magasins spécialisés de la région. Le fromager du village transforme, sur une base salariale, le lait bio en fromage, yaourt et lait pasteurisé et la famille Krähenbühl va frapper aux portes de clients potentiels.



La demande est en fait très satisfaisante. De nombreux restaurateurs et magasins spécialisés, tels que des boucheries, voient une opportunité dans les produits bio de la région, en font la promotion et se démarquent ainsi de la concurrence. Les Krähenbühls commercialisent désormais 10 % de leur lait directement, soit environ 28’000 litres par an. «Nous avons heureusement orienté depuis des années notre ferme vers la pâture intégrale et nous élevons des vaches qui produisent une grande quantité de lait authentique avec quasiment aucun aliment concentré et qui ont une excellente santé», explique Stefan Krähenbühl. Il utilise cela désormais comme argument commercial supplémentaire. L’agriculteur bio recourt aussi à la commercialisation directe de ses pommes de terre et de ses patates douces, exploitant ainsi de nouveaux canaux de vente en plus du commerce de gros.

Pour ce faire, la famille de ce chef d’entreprise et ses six employés doivent s’investir beaucoup dans la communication. «L’un d’entre nous consacre par exemple au moins une demi-journée par semaine à la communication sur Facebook et Instagram. Nous voulons tenir nos clients régulièrement informés de ce qui se passe chez nous et de la valeur ajoutée que nous offrons». La commercialisation est une tâche difficile, mais nous recevons des retours encourageants, en particulier du secteur de la restauration. «La collaboration avec les restaurateurs nous a beaucoup apporté, entre autres la certitude qu’il existe de grandes différences de goût entre un lait pasteurisé provenant d’une ferme biologique à pâture intégrale et un lait UHT en boîte Tetra Pak. Nous pouvons également faire part de ces expériences à nos autres clients.»

Malgré la liste d’attente et la charge de travail supplémentaire liée à la commercialisation directe: jusqu’ici, Stefan Krähenbühl ne regrette pas de s’être converti à l’agriculture biologique et à la commercialisation directe. «En tant qu’agriculteur, vous ne pouvez compter ni sur le marché ni sur la politique, mais devez vous préparer aux scénarios probables», précise-t-il avec conviction. Il est également inutile de critiquer les consommateurs qui votent pour les Verts mais n’achètent pas de produits bio. «Notre tâche est de convaincre les consommateurs avec nos produits alimentaires.»

Stephan Jaun

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