Une reconversion par conviction: Joan et Joana Studer, éleveurs à Lucelle dans le Jura

09. octobre 2018

Eleveurs à Lucelle, Joan et Joana Studer ont demandé la certification Bio Bourgeon l’an dernier. En bordure de la frontière française, les promeneurs visitant la verte Ajoie se frottent parfois les yeux en apercevant d’étranges créatures droit sorties de la saga d’Astérix : non, ils ne sont pas au pays basque mais ces cochons noirs, fiers et pachydermiques descendants du sanglier, en sont bien originaires.
Bains de boue, baguenaudage dans les pâturages où ils se gavent d’herbe, de fruits et de glands, ces rares porcs jurassiens de pâturages ont à disposition un terrain de jeu quasi illimité, tout comme le troupeau de vaches Salers qu’élèvent Joan et Joana Studer… Et ce n’est pas tout.
Ce vaste domaine de 80 hectares sur la commune de La Baroche-Charmoille, à 700 mètres d’altitude, accueille aussi des moutons, une dizaine de chèvres, des canards, des oies, des lapins et des poules et même quelques pottoks, ces petits chevaux sauvages basques… Joan Studer a demandé la certification Bio Bourgeon l’an dernier et son domaine est actuellement en reconversion. Ce qui a motivé cette démarche?

«Le bio est clairement un choix idéologique : je n’en attends aucune plus value économique», relève l’éleveur. Si je voulais répercuter les surcoûts sur la viande de mes porcs basques, entièrement distribuée en vente directe, je devrais tout augmenter de 4-5 francs le kilo, alors que je n’ai ajouté qu’un franc». Joan Studer souligne toutefois la plus value en termes d’image et de marketing : «Ca semble une évidence, mais ainsi notre image sera plus en phase avec ce qu’on produit…»
Auparavant, l’Ajoulot avait déjà créé avec quatre collègues du Jura et Jura bernois le label «Saveurs de nos pâturages» en 2011, avec un cahier des charges plus ambitieux encore que le Bourgeon: affouragement sans soja et huile de palme, ni additifs, conditions d’élevage aussi naturelles que possible, avec accès à un vaste pâturage – c’est tout sauf une évidence, notamment pour les porcs… Joan a ainsi replanté des arbres fruitiers et des céréales pour être autonome et nourrir ses propres bêtes, en plus de l’herbe, avec de l’orge, des pois, de l’épeautre, du triticale. Le choix de la race de Salers était dicté par un souci de qualité, mais aussi des considérations écologiques: «L’Auvergne ressemble beaucoup au Jura et cette race rustique se nourrit uniquement d’herbe et s’y trouve bien. Quant au cochon, cet omnivore doit se nourrir de ce qui l’entoure, certainement pas de soja brésilien...»
Leur prise de conscience fait suite à des documentaires sur l’huile de palme et la déforestation, mais aussi la filière du soja et les ogm, voici plusieurs années : «C’était absurde. On ne peut pas être horrifié par la déforestation et continuer à donner du soja à ses animaux.» Elle se prolonge et se nourrit des principes de l’agroécologie et des propos de Pierre Rabhi entre autres.
«Le bio, ça fait 20 ans qu’on en parle et dans la pratique, nous ne faisions plus de traitement de surface depuis très longtemps, note cet éleveur militant. Ca ne changera rien à nos manières de faire, mais c’est juste une question de cohérence.» Dénonçant l’industrialisation de l’élevage, Joan appelle à une prise de conscience des consommateurs: «Les gens ne savent souvent pas comment sont élevées les bêtes.» A terme, l’objectif est maîtriser toute la chaîne de production et de la transformer intégralement: jambons, saucissons secs, ventrèche, boudin.
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