Élevage de plein air: Le bien-être absolu!

05. mars 2019

Sur le domaine de 43 hectares «Hof am Schwarzbach» à Buchenloo (Wil ZH), Marianne et Werner Siegrist élèvent des porcs et des moutons et font des grandes cultures. Inutile de chercher la porcherie – les animaux vivent en plein air. Les 23 truies, les trois verrats et les porcelets s’y sentent bien, comme l’explique en interview l’agricultrice bio Marianne Siegrist.

Vous élevez vos cochons en plein air. Ce n’est pas l’habitude même dans les fermes Bourgeon: Pourquoi avez-vous choisi cette forme d’élevage?

Nous n’avons pas de porcherie. Il y a vingt ans nous avions déjà des porcs d’engraissement en plein air dans le cadre d’un projet de la Coop. Nous avions arrêté après quelques années. Quand nous avons reconverti le domaine au bio en 2012, nous voulions avoir d’autres animaux en plus de nos moutons de plein air. Nous avons d’abord pensé à engraisser des porcs, puis nous nous sommes adressés à la «Produzentengemeinschaft Bioschweine», l’association de producteurs de cochons bio créée par le moulin fourrager bio Albert Lehmann, et nous avons démarré cet élevage parce que la demande était là. La volonté de pratiquer un élevage de plein air était dès le début claire comme de l’eau de roche, la construction d’une porcherie n’entrait pas en ligne de compte. Nous avions déjà de l’expérience dans l’élevage de plein air: Les cochons se sentent bien quand ils sont dehors. S’y rajoute le fait que les investissements sont faibles et que nous pouvons arrêter cette production n’importe quand si ça ne marche pas. Pour nous familiariser avec l’élevage des truies en plein air, nous avons visité entre autres le domaine de l’établissement pénitentiaire de Witzwil dans le Berner Seeland, un pionnier de l’élevage porcin de plein air. Nous avons aussi discuté avec d’autres éleveurs. Il est entre autres important que les cochons puissent bien marcher – nous y accordons beaucoup d’importance lors du choix des verrats.


À quoi ressemble concrètement l’élevage de plein air?

Les cochons ont chez nous deux fois plus de surface qu’exigé car quand il pleut beaucoup le champ reste plus longtemps en bon état et il y a moins de cochonnerie. Les surfaces doivent être recouvertes d’herbe ou de trèfle. Les cochons pâturent alors comme des vaches. Évidemment les truies sont souvent vautrées dans l’herbe, car les cochons sont surtout actifs le soir. Le matin les truies se tiennent volontiers par groupes de quatre ou cinq dans leurs yourtes que nous plaçons au milieu des parcelles. Nous avons construit ces huttes avec des treillis d’anciens silos avec toit et garnis d’Agryl et de bâches. L’ouverture est toujours ouverte et tournée vers le sud afin que le vent ne s’y engouffre pas. Car il faut que l’endroit où les cochons dorment soit sec, calme et sans vent – Le bien-être absolu! Il y a des aliments et de l’eau vers l’avant de la clôture, les huttes se trouvent au milieu et tout derrière se trouve la place d’occupation et la souille. Les cochons éparpillent leurs déjections avant tout en marchant. Il n’y a donc presque pas d’excréments dans les huttes, vers les auges et dans les souilles – la truie est un animal intelligent, astucieux et propre.


Où se déroulent les mises-bas?

Nous avons pour cela démonté les cornadis de notre ancienne étable à vaches, refait le sol et installé des boxes. Les truies y restent avec leurs petits pendant trois semaines, puis nous les mettons en plein air où nous les gardons en groupes de quatre truies avec leurs petits. L’alimentation séparée ne fonctionne pas en plein air, donc les porcelets mangent les mêmes aliments que leurs mères. Après six semaines il faut sevrer les porcelets. Nous menons alors les mères dans une autre parcelle. Elles cherchent leurs petits une journée environ – c’est normal. Quatre à cinq jours après le sevrage elles sont déjà de nouveau couvertes.


Quels sont les avantages de l’élevage de plein air, pour vous et pour les cochons?

Je prétends que les animaux sont en meilleure santé en plein air. Ils sont dehors à la lumière et à l’air naturel et peuvent vivre leurs comportements naturels. Mon mari est membre d’un cercle d’intérêts pour les éleveurs de cochons. L’échange avec les collègues et les vétérinaires nous montre les problèmes qui peuvent survenir dans les porcheries. Nos bêtes sont simplement en bonne santé. Nous avons récemment abattu notre verrat de quatre ans et demi. Il a vécu en plein air dès l’âge de trois semaines et n’a jamais souffert de problèmes de santé. Cela nous permet bien sûr de diminuer nos frais de vétérinaire. Un autre avantage de l’élevage de plein air est que les porcs soumettent les champs à une cure de mauvaises herbes: ils mangent les racines profondément dans le sol, par exemple celle du chiendent. Ce qu’il faut aussi dire à propos de l’élevage de plein air: cela donne certainement davantage de travail que l’élevage en stabulation parce que nous devons aller chaque jour dans les champs. Nous devons en outre déménager tous les six mois les infrastructures sur d’autres parcelles, ce qui donne aussi pas mal de travail.


L’élevage de plein air nécessite de grandes surfaces: Que recommandez-vous aux collègues qui ne peuvent pas offrir des espaces aussi grands à leurs cochons bio?

Les chef-fe-s d’exploitations doivent d’abord se demander s’ils veulent vraiment pratiquer l’élevage de plein air. Se pose ensuite la question de ce qui est faisable. En général l’levage porcin de plein air va surtout bien dans les zones de grandes cultures. Les champs peuvent en effet rapidement revenir en bon état en épandant du compost et en labourant après le passage des cochons. L’élevage porcin peut aussi être intégré dans la rotation des cultures: Les cultures qui suivent le passage des cochons se développent en général très bien. Les herbages permanents sont moins bien adaptés à l’élevage porcin de plein air parce que les prairies mettent plus longtemps à se régénérer. Les fermes herbagères auront donc plutôt avantage à travailler avec un parcours (cour d’exercice en plein air) pour les animaux.


Comment commercialisez-vous vos cochons?

Nos acheteurs sont surtout des engraisseurs de porcs, et la vente à Micarna passe ensuite par la «Produzentengemeinschaft Bioschweine». Deux fois par année nous engraissons au total une dizaine de bêtes pour notre clientèle privée. Nous vendons les moitiés, quarts et huitièmes sous forme de paquets de morceaux différents. Nous travaillons pour cela avec une petite boucherie à Neerach ZH. Nous y conduisons nos animaux nous-mêmes. Le transport se fait sans stress, les porcs entrent pratiquement d’eux-mêmes dans l’abattoir. Après l’abattage, le boucher découpe la viande en morceaux et je m’occupe de l’emballage. Le formulaire de commande se trouve sur notre site internet. Nous n’avons pas de magasin, les clientes et les clients viennent chercher la viande chez nous à la ferme. Nous livrons aussi une partie des paquets de viande à domicile.

Est-ce que ce n’est pas trop dur d’amener vos propres bêtes à la boucherie?

Au début on a dû s’y habituer, c’est vrai que j’avais de la peine. Aujourd’hui je vois ça différemment: Cela fait partie d’un cycle et c’est comme ça que ça doit être. Une bête vient au monde chez nous, nous la nourrissons, nous la soignons, nous la choyons, et à la fin nous allons avec elle à la boucherie. Je parle aux bêtes, je leur dis le moment venu: «aujourd’hui on va à la boucherie!» Je peux ensuite assister sans problèmes à l’abattage jusqu’à ce que les carcasses soient pendues. Nous mangeons aussi de nos propres animaux. Il y a des gens qui ne peuvent pas le faire. Pourtant je trouve que ça fait partie du tout si on veut manger de la viande.

Est-ce que vous livrez aussi dans la restauration ou à des magasins bio?

Nous n’avons actuellement pas de restaurants parmi nos clients, mais ça peut venir. La reconversion au Bourgeon nous a donné beaucoup à faire. Nous fournissons de la farine, du grain et de l’huile au BachserMärt à Bachs, à Eglisau et à ses trois filiales de Zurich.

Que souhaitez-vous de la part des consommatrices et des consommateurs?

Qu’ils achètent de la viande bio. Même s’ils ne trouvent pas ce qu’ils veulent en bio dans la grande distribution, ils peuvent aller par exemple sur Fermebourgeon.ch et faire une commande à une ferme bio située dans leurs environs au lieu de choisir de la viande de production conventionnelle. Les denrées alimentaires bio sont meilleures et plus nourrissantes. Et on ne doit pas forcément manger de la viande tous les jours: mieux vaut en consommer moins et se faire plaisir avec de la viande de haute qualité. Et en plus la viande est souvent moins chère en vente directe que dans les magasins. Quand on achète quelque chose directement à la ferme, on reçoit un bon produit bien frais.


Quelles réactions recevez-vous au sujet de l’élevage des cochons en plein air?

Nous en recevons beaucoup! La moitié de notre domaine se trouve en Allemagne. Là-bas on ne voit normalement pas de cochons dans les champs. Les gens sont étonnés de la grande taille d’une truie mère et la petitesse de ses petits. Nous n’y vendons cependant pas de viande Bourgeon, elle est trop chère pour le marché allemand. Du côté suisse nous avons beaucoup de clients, mais aussi des promeneurs. Le dimanche, notre ferme ressemble parfois à un zoo!


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