L’Indiana Jones des fourneaux nommé «Green Chef of the Year»

25. septembre 2023

Le bon goût du bio: Paolo Casanova a été désigné «Green Chef of the Year» par le Gault Millau. Le chef cuisinier du Stüva Colani à Madulain, dans le canton des Grisons, possède également une étoile Michelin et 17 points Gault Millau. Il dirige le bistrot et restaurant Stüva Colani avec son épouse Stella Guarneri. Depuis cet automne, il possède également une étoile Bio Cuisine.

Nous avons rencontré cet Italien de 42 ans juste avant l’annonce de sa distinction et l’avons observé lors de la création d’un nouveau plat, avons goûté ses créations et discuté avec lui de son art culinaire et de l’idée qui l’anime.

Paolo Casanova wird Gault Millau Green Chef of the Year 2023
Paolo Casanova mise sur des ingrédients sauvages et bio
(David Herrmann, Bio Suisse)

Malgré l’automne qui approche à grands pas, le soleil est encore au rendez-vous. Il chasse les derniers nuages de la Haute-Engadine et promet des conditions optimales aux chasseurs qui descendent du Bernina Express pour partir à la chasse. Certains d’entre eux apporteront leur butin au Stüva Colani.

Il y a une semaine, Paolo Casanova a dépecé un cerf entier. Il crée maintenant les plats de sa nouvelle carte d’automne. Par exemple: le filet de cerf dans son nid de lichen frit, servi avec des champignons sauvages et un coulis d’airelles. Ce plat sent bon l’automne. Et en a aussi le goût.

Bio Suisse: Qu’est-ce qu’un bon plat, selon vous? 

Paolo Casanova: Un bon plat permet d’oublier le quotidien et de bien dormir.  

Et pourquoi misez-vous sur le bio pour y parvenir? 

Le bio est une composante importante de notre travail. C’est pourquoi nous misons aussi sur Bio Cuisine. La qualité des produits utilisés est essentielle pour notre cuisine. Je connais tous mes fournisseurs et je souhaite soutenir les petites fermes bio d’Engadine.  

Pourquoi utilisez-vous autant d’ingrédients sauvages dans vos plats?   

Il s’agit de produits authentiques. Ce sont les plus frais et les plus naturels qu’on puisse trouver. La cuisine est mon interprétation du moment. Je transpose ainsi mon ressenti dans les plats. Quand je suis arrivé en Engadine en 2016, je me suis senti comme dans un monastère bouddhiste au cœur de l’Himalaya. Les montagnes incarnent pour moi la concentration et le minimalisme. Cela se ressent aussi dans ma cuisine. Quand je sors chercher des ingrédients, je me sens comme Indiana Jones en pleine chasse au trésor. Nous travaillons aujourd’hui avec 80 plantes aromatiques et 20 variétés de champignons différentes et nous souhaitons ensuite nous pencher sur les écorces.  

(David Herrmann, Bio Suisse)

La nature dans l’assiette

Casanova travaille avec des bourgeons de sapin, des fleurs, de la réglisse sauvage et des épinards sauvages dont il fait des tortellinis, des raviolis, des quenelles, des soupes, et dont il se sert pour épicer des sauces et des desserts. Ses balades lui permettent non seulement de trouver des ingrédients et des inspirations pour de nouveaux plats, mais aussi de prendre le temps de déconnecter et de recharger ses batteries. Il entre également en contact avec les agriculteurs bio des alentours. C'est ainsi qu'il achète du chanvre fourrager, dont il conserve les feuilles et les fleurs pour les travailler ensuite et en faire par exemple une glace au chanvre.

Un demi-porc a été livré la veille. Pour Casanova, il est évident qu’il faut utiliser tout l’animal. Il ne fait donc pas seulement du jambon maison, mais utilise aussi la tête de l’animal. La langue et les joues sont proposées à la carte parmi les viandes et il utilise la chair de la tête pour fabriquer de la saucisse avec l’aide de son équipe. Casanova sait pertinemment qu’il doit aussi son succès à sa brigade de cuisine.

Quand je sors chercher des ingrédients, je me sens comme Indiana Jones en pleine chasse au trésor
Paolo Casanova, Green Chef of the Year 2023

(David Herrmann, Bio Suisse)

Le personnel fait partie de la famille. Tous ses membres sont indispensables, je ne pourrais pas travailler sans eux. Quand j’ai une idée pour un nouveau plat, ils m’aident à la concrétiser. Ce sont de vrais experts qui maîtrisent leur métier à la perfection. Le restaurant, c’est bien plus que de simples ingrédients. C’est aussi le personnel et le savoir-faire nécessaire pour transformer ces ingrédients en de bons plats.

Vos plats portent souvent des noms très spécifiques indiquant un concept clair. Qu’est-ce qui vous motive à cuisiner ainsi? 

Je viens d’une famille de gastronomes. Mon parcours professionnel semblait tout tracé. J’ai d’abord choisi autre chose et travaillé comme graphiste. Mais un jour, mon père m’a dit que je devrais quand-même faire l’école hôtelière. J’ai alors remarqué que je pouvais aussi exprimer ma créativité à travers la cuisine. Je suis devenu chef cuisiner à 26 ans. Depuis, ma façon de cuisine n’a cessé d’évoluer. Et aujourd’hui, à 42 ans, j’ai simplement plus de choses à raconter.  

Vos plats n’appartiennent à aucun style défini. Votre cuisine n’est ni italienne, ni française, ni alpine au sens classique du terme. Comment désignez-vous votre style culinaire?  

C’est un style très personnel. J’ai évidemment été inspiré par Massimo Bottura, chez qui j’ai travaillé (remarque: chef italien qui tient l’Osteria Francescana, qui a longtemps été le meilleur restaurant du monde), et Renè Redzepi, bien que je n’ai encore jamais travaillé pour lui (remarque: chef danois dont le restaurant Noma a redéfini la cuisine nordique et a également été désigné meilleur restaurant pendant plusieurs années). Sans eux, ma cuisine ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Ma cuisine est ma manière d’exprimer les choses qui me tracassent, comme la pollution et la surpêche en mer. C’est pourquoi, dans ma cuisine, je renonce à utiliser du thon et de l’espadon. J’utilise plutôt des poissons d’eau douce. L’un de mes plats s’appelle aussi «Un Mare di Insostenibilità» et est une déclinaison culinaire de ce sujet.  

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